« La vie est une série d’écrans et un monde de distraction », note Édouard Rotondo, président de Studio 7 Communications. En effet, entre le cellulaire, la tablette, l’ordinateur et la montre intelligente, l’attention des travailleurs est constamment sollicitée. Or, la granularisation des compétences, c’est-à-dire le faire de découper l’apprentissage en petits contenus, pourrait bien faire partie des solutions pour capter l’attention des apprenants et leur offrir un mode de livraison adapté à leurs besoins.
C’est du moins ce qui est ressorti de l’atelier portant sur ce sujet, animé par trois panélistes. « Les cerveaux sont surstimulés et recherchent la distraction. Par exemple, le fait de se connecter aux médias sociaux stimule la dopamine et le cerveau en redemande ! Si bien que cela a un impact sur la formation, puisque cela affecte notre capacité de concentration. Il faut donc repenser notre stratégie et innover pour capter et conserver cette attention », a expliqué le président de cette firme qui produit autour de 500 formations en ligne et sur mesure par année.
La granularisation figure parmi les solutions pour répondre aux besoins de formation des travailleurs dont le temps est compté, en plus de dynamiser l’apprentissage, a souligné Mélanie Tremblay, coordonnatrice de l’équipe andragogie numérique et innovation à École nationale d’administration publique de Montréal (ENAP). « Il s’agit d’un outil qui vient en appui à la formation et qui s’utilise pour encoder une notion précise, rappeler un contenu ou consolider un apprentissage. Ce contenu est composé de granules pédagogiques, de petites unités d’apprentissage. Certains parlent même de contenus très courts, autour de 5 à 6 minutes », a-t-elle expliqué. Chaque tranche doit être présentée de façon judicieuse, sans découper le tout en trop petites unités. « C’est un défi de conserver le sens », a-t-elle ajouté.
Cette façon de faire offre plus de souplesse dans la formation, note Geoffroi Garon-Épaule, conseiller pédagogique TIC et recherche, à la direction des programmes techniques et recherche au Collège de Bois-de-Boulogne. Découper les formations en compétences permet de sortir des parcours traditionnels et d’offrir la possibilité aux apprenants de créer leur propre cheminement, en fonction de leurs besoins, a-t-il fait valoir.
Une approche pédagogique qui pourrait être facilitée par l’obtention de badges numériques. Une technologie qui se développe depuis 2011, avec le lancement d’Open Badges, qui s’est imposé comme le standard dans cette industrie, a-t-il rappelé. « Actuellement, quelque 500 000 octroyeurs existent et près de 74 millions de badges ont été accordés dans le monde. En plus de motiver les apprenants, qui progressent par paliers un peu comme dans un jeu vidéo, ces badges permettent de reconnaître l’apprentissage plus informel, à travers le bénévolat par exemple, et de certifier ces acquis. »
De plus, chaque badge encapsule différentes informations qui peuvent être consultées par les humains et les algorithmes, comme la compétence acquise, les critères d’évaluation ou encore si c’est reconnu par un ordre professionnel. Une technologie déjà adoptée dans quelques programmes d certains établissements américains, comme le Madisson College et l’Université de Boston, a-t-il donné en exemple. Éventuellement, une standardisation permettrait d’interconnecter les universités, enchaîne-t-il.
Justement, la reconnaissance et la valorisation de ces compétences font partie des défis de cette approche, a rappelé Mélanie Tremblay, alors que des solutions comme les badges ne font pas l’unanimité. « On veut aussi que nos granules soient plus génériques, pour être plus agiles, et que le contenu puisse être utile dans différents milieux, tout en étant adapté à la réalité de l’utilisateur. Ce qui n’est pas si simple. » S’assurer que le contenu est adapté aux utilisateurs, standardiser la notion de compétences et développer une technologie permettant aux apprenants de colliger leurs savoirs tout au long de la vie font aussi partie des autres enjeux associés à cette granularisation.