Entrevue avec Noel Baldwin, directeur, affaires publiques et gouvernementales au Centre des compétences futures
Si le marché du travail se transformait déjà à la vitesse grand V, la pandémie a accéléré encore ces changements. Comment aider les travailleurs à faire face à ce phénomène ? Quel rôle jouera la formation initiale et continue à ce chapitre ? Depuis sa mise sur pied en 2019, le Centre des compétences futures du Canada s’intéresse à ces questions.
Changements technologiques, démographiques et climatiques : plusieurs phénomènes perturbent déjà l’emploi au pays, constate Noel Baldwin, directeur affaires publiques et gouvernementales au Centre des compétences futures (CCF). « On évaluait qu’autour de 10 % des emplois seraient affectés par des changements en lien avec les technologies, comme l’automatisation ou l’intelligence artificielle, d’ici 2030. Mais des données plus récentes montrent que cette proportion serait plutôt de 25 %. »
Des questions qui figurent parmi les axes de recherche de cet organisme financé par le fédéral en partenariat avec l’Université Ryerson, le Conference Board du Canada et l’organisme Blueprint. « Notre mission, c’est d’essayer de mieux connaître les pratiques efficaces pour supporter les travailleurs et les employeurs et d’autres acteurs pour améliorer le développement des compétences tout en naviguant dans toutes les perturbations qui se présentent sur le marché du travail et dans l’économie, dans la société », précise le directeur.
Le CCF mène donc des recherches touchant tant aux façons de former les travailleurs d’un secteur en déclin pour les réorienter qu’à l’implantation de parcours professionnels adaptables ou aux innovations en matière de formation. En fait, l’organisation chapeaute actuellement 160 projets de développement des compétences à travers le Canada, dont 23 au Québec. Un travail mené de concert avec des organismes, des employeurs, des chercheurs et des établissements d’enseignement.
Si plusieurs touchent des métiers plus techniques, d’autres ont un lien direct avec la formation universitaire. C’est le cas, par exemple, dans le domaine de la santé, alors que l’intelligence artificielle commence doucement à faire sa place pour aider les praticiens à prendre de meilleures décisions cliniques, entre autres. Mais les travailleurs ne sont pas formés pour utiliser ces outils qui existent déjà. Un projet, mené par l’institut Michener de l’University Health Network (UHN) et l’institut Vector d’intelligence artificielle de Toronto, permettra de former jusqu’à 5 000 travailleurs de la santé pour qu’ils aient les connaissances, les compétences et les capacités dont ils ont besoin pour utiliser ces outils de façon sécuritaire et humaine.
La formation tout au long de la vie
Le développement des travailleurs est donc essentiel, et ce peu importe le domaine, souligne Noel Baldwin. « La formation tout au long de la vie constitue une large part de la stratégie du Canada, des provinces et des territoires pour maintenir les compétences en demande, que ce soit maintenant ou dans le futur. C’est essentiel, mais probablement pas assez connu comme option. »
Il cite à cet effet une récente étude qui montre que les Canadiens sont moins nombreux à se tourner vers les centres de carrière pendant leur vie professionnelle, par rapport aux habitants des autres pays de l’OCDE. Pourtant, ces services sont essentiels pour avoir un plan de développement de formation continue permettant de conserver ses compétences à jour ou même pour être conseillé sur la voie à suivre pour se réorienter. Alors qu’un grand nombre de Canadiens repensent leur carrière à cause de la pandémie, l’étude révèle d’ailleurs que seul un adulte de 25 à 64 ans sur cinq a fait appel à des services de développement de carrière au cours des cinq dernières années.
Il faudrait donc mieux faire connaître ces options auprès des travailleurs, estime le directeur. Dans la même veine, les services de formation continue des écoles postsecondaires ont aussi un rôle à jouer pour appuyer les travailleurs tout au long de leur carrière, ajoute-t-il. En parallèle, l’organisation travaille aussi à développer des indicateurs pour appuyer les acteurs de ce domaine à déterminer les compétences les plus recherchées. Des travaux à suivre !