Entrevue avec André Raymond, directeur du Service du développement professionnel à l’Université Laval et nouveau président de l’ACDEAULF

Alors que la pénurie de main-d’œuvre fait rage au Québec, la formation continue constitue l’une des réponses pour faire face à ce phénomène. Et les universités ont un rôle non-négligeable à jouer à ce chapitre. Il s’agit d’ailleurs d’un enjeu sur lequel André Raymond, le nouveau président de l’ACDEAULF, entend se pencher pendant son mandat.

André Raymond travaille en employabilité depuis 1995, alors qu’il a œuvré tour à tour dans des firmes de recrutement, de transition de carrière puis, à partir de 2006, comme directeur du service placement de l’Université Laval. Dans une perspective « d’apprenants tout au long de la vie, dans un contexte où le marché du travail change très rapidement », l’établissement a décidé d’intégrer la formation continue à ce service, explique-t-il.

Un bagage qui teinte sa vision de l’éducation permanente. « C’est payant pour une société de miser sur la gestion de carrière, sur la formation continue. Si on veut continuer d’être une société riche, il faut que les gens soient formés, occupent les bons emplois et continuent d’apprendre tout au long de leur carrière », explique celui qui s’implique aussi à l’Institut canadien d’éducation et de recherche en orientation (CERIC).

Mettre de l’avant la formation continue universitaire

Dans cette optique, il faut mettre de l’avant l’offre universitaire, trop souvent oubliée par les décideurs quand ils pensent formation de la main-d’œuvre, pense André Raymond. « Les gouvernements ont annoncé depuis le début de la pandémie des millions de dollars en formation professionnelle. Malheureusement, bien souvent, ce n’est pas attaché avec ce qu’offrent les universités. Nous ne sommes pas impliqués dans la préparation de ces initiatives et ne sommes donc pas capables d’utiliser ces sommes correctement parce que ces projets ne sont pas pensés en fonction de nos façons de faire », observe-t-il.

André Raymond cite en exemple une récente annonce gouvernementale qui appuie le retour des travailleurs sur les bancs de l’école au Québec. « Pour que les participants aient accès à de l’aide financière, ils doivent étudier à temps plein pour des programmes courts de quatre mois. Il faut donc que les gens quittent leur emploi pour profiter de cette aide, ce qui aggrave le problème de pénurie de main-d’œuvre. » De plus, cela ne tient pas compte du fait que les universités ont développé différentes formules asynchrones, en ligne et à temps partiel pour s’adapter aux besoins des adultes.

C’est pourquoi le nouveau président de l’ACDEAULF entend bien continuer à multiplier les actions pour faire valoir l’importance de l’éducation permanente universitaire auprès des décideurs. « Souvent la formation continue universitaire est perçue comme compliquée et peu pratique, alors que c’est faux. Il faut donc sensibiliser les différents intervenants pour qu’ils prennent conscience de l’offre qu’on peut fournir. » Un travail qui a déjà été amorcé auprès de certains intervenants, comme la Commission des partenaires du marché du travail (CPMT).

Créer des liens

En plus de poursuivre le travail déjà en branle auprès des différents ordres professionnels, André Raymond entend aussi renforcer les liens avec différentes associations d’employeurs pour voir comment les universités peuvent répondre à leurs besoins, tant au point de vue du contenu que du mode de livraison. « La formation continue fait partie de la réponse à la pénurie de main-d’œuvre. C’est non seulement un outil puissant pour la rétention du personnel, mais cela permet aussi d’augmenter la productivité, en formant les travailleurs sur de nouveaux équipements par exemple. »

Son implication dans l’ACDEAULF, d’abord à titre de membre du conseil d’administration puis comme président, lui a permis d’être en contact avec des responsables de la formation continue universitaire partout au Canada et de partager les meilleures pratiques avec eux. Pour lui, cette association offre aussi l’occasion de réfléchir ensemble aux enjeux et d’unir les forces du réseau pour relever ces défis. « Nous devons apprendre à travailler ensemble, alors que les universités ont souvent été en concurrence. C’est normal quand il s’agit de formation aux individus, mais quand le financement arrive des gouvernements, il faut montrer que nous sommes capables de travailler ensemble et de partager la tarte », illustre-t-il. Ce qui met la table pour d’intéressantes discussions et actions pour les deux prochaines années.