Entrevue avec Denis Sylvain, membre émérite de l’ACDEAULF

Dans les années 1980, Denis Sylvain a participé à la fondation de la première association permettant de faire valoir les droits des étudiants adultes inscrits à la faculté d’éducation permanente de l’Université de Montréal. Une cause qu’il a portée pendant plus de trente ans au sein de différentes instances, dont à l’ACDEAULF où son engagement lui a valu d’être nommé membre émérite.

Après avoir travaillé une dizaine d’années comme représentant syndical, Denis Sylvain décide d’amorcer des études en relations industrielles à l’Université de Montréal. Rapidement, il réalise que c’est deux poids deux mesures pour les étudiants hors du parcours de la formation initiale. « À l’Université de Montréal, et ce n’était pas unique à cet établissement, nous étions autour de 7000 étudiants le soir dans les différents pavillons. Or, à 5 h, tout fermait, que ce soit la bibliothèque, la cafétéria, le magasin scolaire et même les escaliers roulants », se rappelle-t-il.

Plus encore, cette voie était souvent dévalorisée, considérée comme une formation de « deuxième zone », explique Denis Sylvain. « En 1985, il y avait beaucoup de femmes au foyer ou qui avaient quitté leurs études pour fonder une famille, si bien qu’il y avait une majorité de femmes inscrites à l’éducation permanente. On disait que c’était l’université de la seconde chance », raconte-t-il.

C’est ce qui a donné l’impulsion à un petit groupe d’étudiants, dont Denis Sylvain faisait partie, pour fonder l’Association générale des étudiants et des étudiantes de la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal (AGEEFEP). « On s’est dit que cela n’avait pas de bon sens, qu’il fallait qu’on nous considère et que notre faculté soit mieux défendue auprès de la direction », se rappelle celui qui a travaillé au sein de cette association de sa création, en 1985, jusqu’à sa retraite, en 2019. Encore aujourd’hui, Denis Sylvain s’y implique bénévolement.

L’idée de regrouper les étudiants adultes a aussi fait son chemin dans d’autres universités, alors que Denis Sylvain a pris part à la création d’associations du même type à McGill, pour les étudiants hors campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) ainsi qu’à la TELUQ. « En 1991, j’ai participé aussi à la création de la seule fédération étudiante en éducation des adultes (FAEUQEP) au Canada, où j’ai assumé la présidence pendant deux décennies, ajoute-t-il. Avec les autres regroupements étudiants, j’ai fait changer la loi sur l’accréditation des associations du gouvernement du Québec pour y inclure l’éducation permanente. »

Batailles multiples

« Une des premières batailles que j’ai menées avec mes collègues, c’est de revoir les conditions d’embauche des chargés de cours, majoritaires dans l’enseignement de soir, avec la collaboration de notre faculté. Ce qui a eu un impact majeur, puisqu’on voulait une formation équivalente à celle donnée au régulier », se souvient Denis Sylvain. Il s’est aussi battu, deux fois plutôt qu’une, pour éviter que le gouvernement ne diminue le financement accordé aux universités pour les programmes de certificats. Une façon de maintenir l’accessibilité à ses formations prisées des adultes.

L’association a aussi réussi à obtenir le statut lui permettant de nommer un représentant dans les différentes instances de l’université, comme le conseil de faculté et des différents programmes, la commission des études ou le conseil d’administration des services aux étudiants, détaille-t-il. Une façon de s’assurer que la voix des adultes en formation serait entendue et que leur situation serait prise en compte dans les décisions prises dans ces différentes structures.

Une voix que Denis Sylvain a aussi portée tant au niveau gouvernemental, alors qu’il a participé aux états généraux sur l’éducation qu’aux Nations Unies, puisqu’il a œuvré en tant que membre de la commission sectorielle de l’éducation pour la commission canadienne de l’UNESCO.

Plus de deux décennies à l’ACDEAULF

C’est aussi pour faire valoir la réalité de ces étudiants que Denis Sylvain a décidé de s’impliquer au sein de l’ACDEAULF, fin des années 1990. En tant que secrétaire-trésorier, Denis Sylvain a entre autres proposé d’augmenter la cotisation des membres pour que l’association ait des assises solides. Une façon pour l’ACDEAULF d’assurer une certaine permanence et d’offrir des services, tels que l’organisation d’une journée d’étude chaque année et la publication régulière d’un bulletin d’information. Un engagement qui a d’ailleurs valu à Denis Sylvain, qui vient tout juste de quitter l’ACDEAULF après plus de deux décennies d’implication, le titre de membre émérite.

« Je pense que nous avons amené un vent de fraîcheur en apportant le point de vue des étudiants, ajoute-t-il. Cela nous a aussi permis de sensibiliser les représentants de chacune des universités au fait de mieux collaborer pour le bien-être des étudiants, à l’idée de voir l’éducation permanente comme une façon de s’adapter aux changements et de répondre aux besoins de la société. »

De même, Denis Sylvain a toujours plaidé pour améliorer l’accessibilité aux étudiants de la formation continue, plutôt que de travailler en concurrence. « Je suis tellement content de voir ce qu’est devenue l’ACDEAULF aujourd’hui et de constater l’impact que l’association a maintenant. L’organisation est de plus en plus impliquée auprès de différentes instances, comme la Commission des partenaires du marché du travail. » Des avancées importantes, qui témoignent du travail mené par toute l’équipe derrière l’ACDEAULF, estime-t-il.

Si la situation s’est beaucoup améliorée pour les étudiants adultes, tout n’est pas gagné pour autant, pense Denis Sylvain. Il cite en exemple les étudiants à temps partiel qui, encore aujourd’hui, ne peuvent recevoir de bourses. « Ce qui m’a motivé, c’était d’améliorer les conditions dans lesquelles ces étudiants se retrouvent alors que, bien souvent, ils travaillent à temps plein, ont des enfants et doivent se taper des cours deux soirs par semaine. Peut-on reconnaître leur mérite et leur donner les outils pour mener à bien leurs études ? »

Denis Sylvain aura certainement ouvert la voie à sa façon pour améliorer l’éducation aux adultes et contribuer à sa reconnaissance dans différentes instances. Ce dont il est le plus fier ? « D’avoir donné la parole à des étudiants et étudiantes aux parcours atypiques et porté la question de l’éducation des adultes sur la place publique. »